LA DECOLONISATION AU MAGHREB : L’ALGERIE
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INTRODUCTION : La partie occidentale de l’Afrique du Nord ou le Maghreb comprend le Maroc et la Tunisie qui étaient des protectorats français d’une part et d’autre part l’Algérie qui était une colonie de peuplement. Dans cette région, la décolonisation s’est déroulée différemment. Ainsi, si avec le Maroc et la Tunisie, elle a été concédée à la suite de mouvements d’agitation multiformes, avec l’Algérie elle a été arrachée à la suite d’une longue guerre d’indépendance.
Cette guerre repose des causes variées et permet de distinguer les principales étapes de la décolonisation de l’Algérie.
I) LES CAUSES DE LA GUERRE D’ALGERIE.
1) Un contexte d’injustice favorable à la révolte des Algériens de souche.
Depuis 1830, l’Algérie est une colonie française de peuplement dotée d’un statut particulier. Elle est divisée administrativement en trois départements rattachés au Ministère de l’Intérieur français.
Dans cette unique colonie de peuplement française vit près d’un million d’Européens dont 80% sont nés sur place, face à près de 9 millions d’Algériens musulmans. Les colons appelés « pieds noirs » bénéficient de tous les privilèges au grand désarroi des Algériens de souche. C’est ainsi qu’ils contrôlaient près de 86% des postes de fonctionnaires et plus de 87% des grandes exploitations agricoles. De même, dans le domaine politique, les musulmans sont privés de tout droit. Ils sont aussi frustrés par le code de l’indigénat de 1881 qui leur interdit le droit de réunion, le retard dans le paiement de l’impôt et sanctionne lourdement le refus des corvées. C’est le cas également avec une Loi de 1911 qui instaure un service militaire obligatoire pour les musulmans. D’ailleurs, la pression des « pieds noirs » sur le gouvernement de la IVe République pour le maintien du statu quo est très grande. C’est dans ce cadre qu’ils combattent le Projet BLUM-VIOLETTE qui proposait d’accorder le droit de vote à une petite minorité de musulmans (21.000 exactement).
Ces différents facteurs conjugués à un contexte international favorable suscitent l’agitation des Algériens musulmans mais dans la division.
2) Les premiers mouvements de contestation de l’ordre colonial.
Tout d’abord, on distingue les mouvements religieux comme l’Etoile Nord Africaine de MESSALI HADJ et le Mouvement des Oulémas de BEN BADIS qui tous revendiquent l’indépendance immédiate. Ainsi, le célèbre slogan de Ben Badis « l’Algérie est ma patrie, l’Islam ma religion et l’Arabe ma langue » exprime à juste titre le programme nationaliste de ce mouvement.
A côté de ces radicaux, les intellectuels algériens parmi lesquels « Les Jeunes Algériens » dirigés par FERHAT ABBAS aspirent plutôt à l’égalité entre européens et autochtones et rejettent ainsi toute idée d’indépendance.
3) Vers la radicalisation de la contestation.
Devant l’immobilisme du gouvernement français conformément au principe selon lequel « l’Algérie c’est la France », l’hostilité des colons à toute réforme en faveur des indigènes et la lenteur des récompenses attendues de la métropole pour le rôle joué par les Algériens dans la libération de la France, on assiste à l’intensification du nationalisme en Algérie. Le mouvement radical est renforcé par les intellectuels dont le leader F. Abbas publie en 1943 « Le Manifeste du Peuple Algérien » dans lequel il prône, désormais, l’indépendance.
En outre, les manifestations du 08 mai 1945 de Sétif célébrant la capitulation allemande avec des slogans nationalistes tournent à la tragédie. La répression sévère fait un bilan de près de 45.000 morts et le principal leader nationaliste Messali Hadj est arrêté.
Ces événements malheureux renforcent la conscience nationaliste et sonnent la rupture entre les deux communautés d’Algérie.
Par conséquent, la France accorde des réformes qui sont cependant très limitées. Il s’agit d’une faible représentation de la communauté musulmane à l’Assemblée de la colonie, loin de refléter le rapport de force démographique. Les élections qui suivent ces réformes sont d’ailleurs émaillées de fraudes flagrantes visant à écarter les nationalistes.
Dès lors, les nationalistes décident de recourir à la manière forte pour arracher l’indépendance.
II- DE L’INSURRECTION DE TOUSSAINT A L’INDEPENDANCE (1954-1962).
1) L’insurrection de Toussaint ou le début de la guerre d’indépendance.
En 1954, la décolonisation en Algérie prend une nouvelle tournure.
En effet, sur le plan interne, au sein du Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD), Messali Hadj est critiqué par des jeunes nationalistes comme BEN BELLA et MOUHAMED BOUDIAF pour son inaction. Ce qui les pousse à créer le Comité Révolutionnaire d’Unité et d’Action (CRUA).
Au même moment, sur le plan international, la défaite française à DIEN BIEN PHU galvanise les nationalistes algériens. C’est dans contexte que les chefs du CRUA créent le Front de Libération Nationale (FLN) qui planifie dans la nuit du 1e novembre une véritable insurrection. En effet, des attentats et des attaques spectaculaires contre des symboles de la présence française ont eu partout en Algérie à minuit : c’est le début de la guerre d’indépendance.
3) Une guerre longue et aveugle qui n’honore pas la France.
Face au soulèvement armé du FLN, le gouvernement français, à travers le Président du Conseil Pierre Mendès France et le Ministre de l’Intérieur François Mitterrand, opte pour une répression sans concession conformément à son principe « l’Algérie, c’est la France ». Il engage ainsi le contingent (seize compagnies envoyées en trois jours) pour pacifier l’Algérie.
Le FLN qui élit domicile surtout en campagne mène une guérilla avec, entre autres actions, des attentats et des actes de sabotages contre les intérêts français. Et à partir de 1956, les villes deviennent les cibles du FLN. La France répond par des formes variées de répression allant du massacre du Constantinois en 1955 aux tortures en passant par des fusillades. Ces pratiquent sont condamnées par la communauté internationale. La France perd progressivement la guerre sur le plan diplomatique dans un contexte où le FLN bénéficie du soutien du Maroc, de la Tunisie et de certains hommes politiques américains.
D’ailleurs, dans sa volonté de décapiter le FLN, l’armée française capture ses principaux leaders à bord d’un avion reliant le Maroc et la Tunisie. Contrairement aux attentes de la métropole, le mouvement se radicalise et s’internationalise après la destruction d’un village tunisien par l’aviation française en 1958. Ce qui pousse les Etats-Unis, le Royaume Uni et le groupe afro-asiatique, à la tribune des Nations Unies, d’exiger une solution à la crise algérienne. Revigoré politiquement, le FLN proclame le 19 septembre 1958 au Caire le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA).
4) Un règlement long et douloureux.
La guerre d’Algérie divise la population française d’autant plus que la presse dénonce la torture et que l’idée du journaliste R. CARTIER selon laquelle le colonialisme est « souvent une charge plus qu’un profit » progresse. Et devant cet épisode douloureux, bon nombre de Français y compris les chefs de l’armée française en Algérie pensent que le Général de Gaulle est l’homme de la situation. Demandant les pleins pouvoirs, Charles de Gaulle, tente vainement la solution militaire. Devenant plus réaliste, il engage, en 1959, le processus qui conduit à l’indépendance de l’Algérie. Le 16 septembre, il reconnait le droit à l’autodétermination des Algériens. Il se heurte, cependant, à la résistance d’une partie des pieds-noirs et de certains éléments de l’armée. C’est dans ce climat que s’ouvrent les premières négociations directes d’EVIAN (mars-juin 1961) entre les autorités françaises et le FLN. Dès le début des pourparlers, ces contestataires, sous la houlette des généraux CHALLE, JOUHAUD, SALAN et ZELLER organisent un putsch en avril 1961. Ayant échoué, ils constituent l’Organisation Armée Secrète (OAS) pour s’opposer par la violence aux négociations. Ces dernières butent sur la question du Sahara algérien riche en pétrole et sur le statut des pieds-noirs.
Mais, la deuxième conférence d’Evian permet d’arriver, le 18 mars 1962, aux accords suivants :
- l’indépendance de l’Algérie est reconnue par la France ;
- la présence militaire française en Algérie est maintenue pendant trois années ;
- les intérêts économiques français au Sahara sont maintenus pendant cinq ans ;
- les droits de la population européenne sont garantis.
Ces accords d’Evian sont approuvés par référendum par les Français et les Algériens. Alors, le 03 juillet 1962, l’indépendance de l’Algérie est proclamée avec Ahmed Ben Bella comme Président de la République algérienne démocratique et populaire.
C’est alors la fin d’un conflit au bilan très lourd : 200.000 à 500.000 morts du côté algérien et près de 25.000 tués du côté français, le retour dramatique de près d’un million de pieds-noirs en France, les représailles du FLN contre les HARKIS, ces algériens qui luttaient aux côtés des Français.
CONCLUSION : La décolonisation de l’Algérie s’est faite dans la violence et le sang. Elle est, à plusieurs égards, un exemple de décolonisation ratée, par la longue durée de la guerre d’indépendance (1954-1962), par le nombre élevé des victimes militaires et civiles, par le retour douloureux des Européens d’Algérie en France, le sort des harkis, le basculement de l’Algérie vers le communisme tournant ainsi le dos à la France.