LA VOIE CHINOISE DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET SOCIAL
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INTRODUCTION : Depuis 2010, la République Populaire de Chine s’est hissée au rang de 2e puissance économique du monde avec un PNB global de plus de 5000 milliards de dollars à la faveur du recul du Japon, son voisin insulaire en Asie Orientale. Cette performance est le résultat d’un modèle de développement économique et social original.
Quelles sont alors les caractéristiques de cette voie spécifique chinoise de développement?
Quel est également le bilan de ce modèle après près de trente années de sa mise en œuvre?
I)- UNE VOIE ORIGINALE DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET SOCIAL
1) Une Chine longtemps en recherche d’un modèle efficace de développement.
Dès 1949, avec la révolution communiste, Mao Ze Dong, lance son pays déstructuré, dans un vaste programme de reconstruction suivant le modèle de développement socialiste. A ce titre, il expérimente plusieurs stratégies, dans une certaine mesure, «éphémères et souvent hasardeuses ». Il s’agit des premières réformes ou démocratie nouvelle, du premier plan quinquennal (copie conforme du modèle soviétique), du grand bond en avant et de la révolution culturelle et prolétarienne.
D’ailleurs, au cours de la période 1961-1965, Mao est écarté du pouvoir par les Réformistes qui appliquent une Nouvelle Politique Economique (NEP) privilégiant l’efficacité et s’ouvrant aux technologies occidentales. La NEP a été, en somme, une expérimentation éphémère de la voie actuelle de développement empruntée par l’Empire du milieu.
2) Le socialisme de marché, une voie originale chinoise de développement socioéconomique.
Au lendemain de la mort de MAO et de la prise du pouvoir par Deng Xiao Ping et les pragmatiques, la RPC se lance dans une nouvelle voie de développement. Il s’agit d’une politique de réformes économiques et sociales à travers la modernisation de l’agriculture, des autres secteurs de l’économie, des sciences et des techniques mais aussi de l’armée.
Pour ce faire, l’Etat chinois prône l’ouverture sur le reste du monde et principalement sur l’Occident. C’est la stratégie de l’ « open door» à travers le slogan « que l’étranger serve le national » par ses investissements, par son capital scientifique et technologique et son marché. Imitant, ainsi, ses voisins du Sud-est asiatique, la Chine pratique l’économie de marché et fixe à son industrie d’exportation le rôle de moteur principal de la croissance économique.
Dès lors, l’afflux d’IDE favorisé par une législation très souple transforme la façade maritime en pôle majeur de développement par l’implantation massive de filiales de FMN japonaises, américaines et européennes mais également de nouvelles entreprises créées par la diaspora chinoise. Ainsi, plusieurs ZES (Zones Economiques Spéciales), véritables paradis fiscaux sillonnent les côtes chinoises. Ainsi, la libéralisation économique met en avant les principes d’efficacité, de productivité et de rentabilité.
Par ailleurs, la particularité de ce système est surtout liée au rôle central de l’Etat. En effet, la libéralisation ne concerne pas la vie politique. Ainsi, le régime de parti unique de Beijing contrôle le jeu économique à travers la Banque Centrale chinoise et sa politique d’un Yuan faible, entres autres structures. L’Etat contrôle aussi les entreprises des produits de base, le secteur énergique, l’aérospatial, etc.
C’est un Etat interventionniste dans la défense des intérêts des travailleurs, dans la politique d’accès au logement, de redistribution des richesses, de financement de la recherche-développement, dans des dépenses sans cesse croissante en matière d’armement, dans la recherche de partenaires stratégiques en matière débouchés et de fournisseurs de matières premières surtout énergétiques, dans l’accès aux services sociaux de base notamment l’éducation, la santé et les transports.
En somme, c’est ce modèle spécifique associant une économie libérale et un régime politique communiste que Deng Xiaoping a qualifié de socialisme de marché. Cette nouvelle voie de développement a enregistré un bilan socioéconomique à plusieurs égards élogieux.
II)- UN BILAN GLOBALEMENT ELOGIEUX
1)- Des performances économiques et sociales certaines
Tout d’abord, la Chine affiche depuis les années 1990 l’un des taux de croissance du PIB les plus élevés au monde avec par exemple 9,5% en 2011 contre 10,5% en 2010 malgré une conjoncture économique mondiale de morosité. Cette croissance soutenue a fait de la Chine le principal moteur de la croissance mondiale et le 2e pôle de création de richesse derrière les USA avec un PIB réel de 6988,5 milliards de dollars en 2011 contre 1266 milliards en 2002 et 367,9 milliards en 1985. Par conséquent, le pays est devenu la 2e puissance économique du monde (puissance agricole et industrielle (16% de la production industrielle en 2009 contre 19% pour les USA et une émission de CO2 de 5,3 tonnes métriques par habitant). La Chine est aussi une grande puissance commerciale (1e exportateur mondial depuis 2009), le 2e foyer d’accueil de flux d’IDE dans le monde (plus de 147 milliards de $ en 2009), un grand émetteur d’IDE vers les pays du Sud et de plus en plus vers le continent européen. C’est en même temps, une grande puissance financière désormais le premier créancier des USA et le 1e détenteur de réserves en devises étrangères dans le monde (celles-ci sont estimées à plus de 2400 milliards de dollars).
En outre, la Chine est devenue une grande puissance militaire dont la montée en puissance inquiète surtout l’hyper puissance américaine.
Enfin, l’enrichissement général du pays, désormais dans le cercle des pays émergents, va de pair avec une amélioration des conditions de vie des chinois. Ainsi, le PNB/HAB est de 3547$ en 2009, un bond spectaculaire comparé aux décennies précédentes. C’est, en partie, le résultat d’une incitation des Chinois à l’initiative privée et d’un développement poussé de l’individualisme au détriment du collectivisme. Ainsi, la Chine compte-t-elle aujourd’hui plus de Cent milliardaires en dollars selon le Guinness 2012.
2)- Les limites du modèle chinois
Malgré ses performances économiques remarquables, la Chine est encore, comme l’a affirmé son ambassadeur au Sénégal, « un pays en développement ». En effet, le pays qui n’a pas encore achevé son industrialisation reste dépendant dans certains domaines technologiques et sur le plan commercial. Ainsi, plus de 40% du PIB proviennent des exportations d’où une forte sensibilité au protectionnisme des USA et des pays européens mais aussi et surtout aux chocs exogènes. En même temps, le niveau de vie général du chinois avec un PNB/HAB de moins de 4000$ place la société dans la catégorie des pays assez pauvres ; d’où un rang mondial de 101e sur 187 sur le plan de l’IDH. La taille démographique exorbitante du pays réduit ainsi les effets de cette croissance économique spectaculaire. Au sein de cette société, la privatisation de l’économie et la disparition de l’égalitarisme social ont accentué les inégalités et les écarts de richesse. De plus en plus, la société est confrontée au chômage, à la précarité de l’emploi et à la montée de la frustration des exclus de la croissance. D’ailleurs, près de 47% des chinois vivaient, en 2009, avec moins de 2 dollars par jour.
En outre, des disparités régionales de développement socioéconomiques criardes existent entre la Chine du plein correspondant au littoral et à sa périphérie intégrée (véritable poumon économique concentrant richesse, activités économiques et l’essentiel de la population) et la Chine du vide correspondant à l’arrière pays (véritables périphéries marginalisées) : voir carte de synthèse. Ainsi, s’expliquent l’exode des populations de ces zones défavorisées en direction de l’Est et l’aggravation des agitations sociopolitiques des populations.
Enfin, l’«atelier du monde » doit relever le défit d’une dette de plus en plus inquiétante si l’on croit à l’agence Moody’s. Sa dette brute est certes de 26,9% du PIB en 2011 mais c’est l’ampleur de la dette des collectivités locales (évaluée à 1673,50 milliards d’euros par Moody’s) de moins en moins insolvables qui préoccupent les banques et le gouvernement chinois.
En bref, le socialisme de marché a transformé la Chine en une grande puissance économique et amélioré les niveaux de vie. Toutefois, il a accentué les inégalités sociales et régionales de développement socioéconomique et la dépendance commerciale de la Chine vis-à-vis des marchés extérieurs.
CONCLUSION : En somme, le socialisme de marché est la voie actuelle de développement économique et social de la Chine. Associant une économie libérale et un système politique communiste, ce modèle particulier a hissé le pays au rang de 2e puissance économique mondiale et participé à l’enrichissement progressif des Chinois. Néanmoins, ce modèle présente des limites qui ont pour noms des inégalités régionales de développement socioéconomiques importantes, des écarts de richesse de plus en plus importants, une dépendance aux marchés extérieurs élevée et des agitations populaires menaçant la stabilité politique et économique du pays. Somme toute, la Chine est devenue avec les autres membres des BRICS incontournable dans la géopolitique mondiale.