INTRODUCTION GENERALE
Leçon 1 : LE SYSTEME MONDE : DES ESPACES INTERDEPENDANTS.
INTRODUCTION : Un système est un ensemble d’éléments interdépendants c'est-à-dire liés entre eux par des relations telles que si l’un est modifié, les autres le sont aussi et par conséquent tout l’ensemble. Pour le système monde, Olivier Dollfuss le décrit comme un fait géographique qui a existé à partir du moment où une décision, un événement survenant quelque part à la surface terrestre ont été susceptibles d’avoir des conséquences en tout autre point du monde.
Ce système monde dont la mise en place s’est entamée au 15e siècle dans le cadre des grands voyages de découverte est organisé en régions géoéconomiques interdépendants au niveau de développement très inégal.
Quelles sont, alors, les caractéristiques des différents espaces en jeu ? Quels sont, ensuite, les manifestations et les facteurs de cette interdépendance ? Quelles sont, enfin, les incidences de la globalisation (et ou de la mondialisation)?
I-UN SYSTEME MONDE ORGANISE AUTOUR DE LA TRIADE MAIS DE PLUS EN PLUS POLYCENTRIQUE.
1) Un groupe de trois pôles moteurs du système monde.
Trois centres majeurs (Etats-Unis, Union européenne et Japon) impulsent et commandent actuellement la marche économique et même politique du monde. Cette TRIADE ou OLIGOPOLE GEOGRAPHIQUE MONDIAL comprend ainsi les pays les plus développés au monde détenant les leviers de la puissance : avance scientifique et technologique, richesse économique, suprématie militaire et diplomatique, entre autres. Ces pôles majeurs sont eux-mêmes structurés par un ensemble de mégalopolis qui concentrent les pouvoirs de décisions, les richesses et commandent les différents réseaux mondiaux.
2) Des périphéries intégrées à la dynamique de la triade.
Il s’agit, tout d’abord, des périphéries associées. Celles-ci sont de véritables centres secondaires, de plus en plus, très intégrés aux activités économiques et mêmes politiques de la triade par le développement assuré, l’importance des investissements reçus (IDE) et des flux d’échanges. Ce sont, entre autres, le Canada, les BRICSAM, les pays européens non membres de l’UE, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les autres NPI. D’ailleurs, les nouveaux géants du Sud, principalement la CHINE et dans une certaine mesure l’INDE et le BRESIL sont devenus des pôles de richesse, de puissance commerciale, diplomatique et militaire montante avec lesquels le G8 est, désormais, contraint de gérer les problèmes du monde.
Ensuite, on distingue les périphéries exploitées. Ces dernières entrent dans les circuits internationaux en raison de leurs ressources naturelles abondantes et prisées (comme les pays exportateurs de pétrole et les autres PRI) ou du fait de leur émergence économique (comme les « tigres » d’Asie pacifique).
3) Des périphéries marginalisées du système monde.
Ce sont des pays peu intégrés au marché mondial et aux différents réseaux mondiaux. Ils souffrent d’importants retards de développement notamment un faible niveau d’industrialisation, un endettement exorbitant, la famine, la sous-alimentation, les fléaux du Sida, du paludisme et des guerres, etc.
Les périphéries marginalisées correspondent globalement aux PMA d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine désignés souvent d’« espaces oubliés», de « monde inutile », de Quart monde ou d’«angles morts » du système monde.
Bref, le système monde fonctionne autour des pays de la triade qui en sont les éléments moteurs. Cette triade domine des périphéries intégrées ou exploitées. Toutefois, malgré ces inégalités criardes de niveau de développement, le système monde est régi par des relations d’interdépendance exprimées à travers des réseaux globaux et multiformes.
II) MANIFESTATIONS ET FACTEURS DE L’INTERDEPENDANCE DES ESPACES REGIONAUX DU MONDE.
1) Des flux globaux, massifs et rapides, symbole de l’interdépendance et ou de la mondialisation.
A l’échelle de la planète terre, les flux d’échanges entre les pays sont organisés en réseaux hiérarchisés et caractérisés par leur diversité, leur massivité, leur globalité et leur rapidité.
Il s’agit tout d’abord de flux migratoires de type économique, touristique ou politique pour la recherche de l’emploi, de loisir ou la quête de la paix et de la sécurité.
Ensuite, on distingue des flux commerciaux fortement mondialisés et qui se sont accrus au cours des dernières décennies à un rythme sans précédent. Ils sont, ainsi, l’expression d’une intégration des différents espaces nationaux dans le commerce mondial.
Régis par des règles multilatérales édictées par l’OMC ou des organisations régionales comme l’UE, l’ALENA, le MERCOSUR et l’UEMOA, ces échanges commerciaux sont largement dominés par les pays du Nord. Cependant, les courants Nord-Sud et Sud-Sud se renforcent davantage.
Par ailleurs, les flux de capitaux constituent une des expressions les plus parlantes de la mondialisation de l’économie. En effet, la géo finance mondiale est organisée en réseaux hiérarchisés dont les nœuds sont les places financières. Ces dernières (principalement Tokyo, Hongkong, Singapour, Bahreïn, Londres, New York, Chicago et San Francisco), distribuées en fonction des fuseaux horaires, se relaient, dans un cycle ininterrompu, le cours des activités économiques du monde. Par conséquent, le marché financier international est devenu unique grâce à l’interconnexion des réseaux qui favorise la diffusion de toute information d’un bout à l’autre du village monde : cours des matières premières, cotation des entreprises, achat et vente d’actions (IDE), valeur indiciaire des bourses,…
Enfin, les flux d’informations constituent, de nos jours, les véritables ferments de la mondialisation des échanges. Ainsi, la maîtrise de ces flux est un enjeu pour avoir une main mise sur les autres courants. C’est aussi un élément clé de la compétitivité économique.
A ce niveau également, on note la domination des pays du Nord qui concentrent les macro-réseaux, produisant, acheminant et diffusant l’information tout en commandant les micro-réseaux des périphéries.
Cette information revêt plusieurs formes : presse écrite ou audio-visuelle, correspondance postale, appels téléphoniques et de plus en plus des informations numérisées. C’est le résultat de la diversification des médias (téléphone, téléfax, radio, télévision, télématique, etc.) et des innovations technologiques correspondant aux « autoroutes de l’information » (réseaux multimédias à haut débit et à grande vitesse, utilisant des câbles en fibre optique et des satellites comme support et raccordant tous les lieux d’habitat et d’activité de la planète). Ces autoroutes de l’information, à l’image de l’Internet, expriment, à juste titre, le concept de village monde.
2) Les facteurs de la globalisation et de l’interdépendance.
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les échanges de marchandises, de capitaux, d’informations et les flux de populations entre les différentes régions du monde n’ont cessé de s’intensifier.
C’est, tout d’abord, le résultat d’un accroissement continu de la population mondiale, d’une amélioration générale du niveau de vie, des progrès technologiques dans le domaine des transports et des télécommunications.
A cela s’ajoutent le triomphe du capitalisme libéral, le passage de relais des Etats aux FMN dans de le cadre de l’expansion économique des nations, les stratégies mises en place par ces firmes (exemples de la DIT, des OPA et des OPE) et des politiques libérales négociées dans le cadre des organisations internationales comme l’OMC ou les accords UE/ACP.
Ces facteurs ont donné, ainsi, naissance à des espaces régionaux interdépendants et en constante interaction par l’intermédiaire de relations d’échanges multiformes, massifs, rapides et globaux. Cette interdépendance engendre des répercussions variées.
III) LES CONSEQUENCES DE L’INTERDEPENDANCE DES ESPACES REGIONAUX DU SYSTEME MONDE.
1) Des partenaires inégaux et concurrents.
Tout d’abord, des inégalités criardes existent entre les Nations du système monde tant sur le plan de la prise des décisions, de la richesse, des revenus, des productions, des modes d’exploitation que de la démographie.
Ainsi, on note une pauvreté et une exclusion plus répandues dans les pays du Sud, une domination des échanges de marchandises par les PID à longue tradition d’économie de marché (66% des ventes) et une hégémonie de ces PID dans le domaine des capitaux et des services (avec près des 4/5 des exportations et ¾ des importations). Toutefois, on constate une montée en puissance des pays d’Asie pacifique (et surtout du « géant chinois ») dans le commerce international.
En outre, l’interdépendance des territoires (et donc la mondialisation de l’économie) a accentué la concurrence et les conflits commerciaux entre les partenaires : conflit récurrent entre les deux firmes leaders dans l’aéronautique notamment BOEING et AIRBUS, les subventions des cultivateurs de coton américains et des agriculteurs européens dénoncées par les pays du Sud, le conflit du textile opposant l’UE à la Chine en 2005, la dénonciation des APE par les PMA du groupe des ACP en 2007-2008, entre autres.
2) Les effets pervers de la primauté du dollar américain et de l’instabilité du système économique mondial.
Malgré la fin de convertibilité du dollar en or, le billet vert reste, par excellence, la monnaie internationale des échanges.
A ce titre, les fluctuations de sa valeur entraînent une hausse de la dette extérieure des pays du Sud (lors des phases d’appréciation du dollar) et une perte de compétitivité des produits de certains pays ou régions à monnaie forte comme les pays de l’EURO LAND ou le Japon (en période de dépréciation du dollar).
Enfin, la mondialisation a, comme autre effet pervers, un système économique instable.
En effet, le marché financier mondial est indépendant des Etats et obéit à la loi de l’offre et de la demande. C’est ainsi qu’on assiste aujourd’hui à une multiplication des moyens de fragilisation de la stabilité monétaire et du SMI : spéculations boursières, fluctuations de changes liées aux monnaies flottantes et aux taux d’intérêts, le poids des dettes cumulées, le non respect des principes de concurrence et de fonctionnement des entreprises en système capitaliste libéral (voir les problèmes liés aux bonus et aux paradis fiscaux), …
En conséquence, les Etats et les institutions internationales comme le FMI et la BM sont impuissants face :
- A l’internationalisation des crises politiques, économiques, financières ou sanitaires ;
- Aux chocs de l’inflation et des taux d’intérêt ;
- Aux chocs pétroliers comme en 1973, en 1979 ou celui qui a débuté en 2003. Ce dernier faisant suite à l’invasion de l’Irak par les USA est responsable, au cours de l’année 2008, d’une grave crise alimentaire dans le monde et particulièrement dans les pays les plus pauvres du Sud ;
- Au défaut de paiement des dettes de la part des pays en développement.
En somme, ces crises mettent à jour les limites du système économique mondial actuel bâti sur les principes du libéralisme. D’ailleurs, plusieurs voix appellent à la révision du Système Financier International (SFI), dans un contexte de crise financière qui a gravement affecté les banques et les places financières américaines, asiatiques et européennes au cours de l’année 2008. Cette crise financière et économique a engendré des effets socio-économiques douloureux, avec par exemple, une perte de plus de 30 millions d’emplois dans le monde en 2009 consécutive au ralentissement des activités économiques et à la fermeture de beaucoup d’entreprises. D’ailleurs, les solutions keynésiennes proposées par les pays occidentaux ont engendré une crise de l’endettement aux conséquences douloureuses surtout dans les pays de la zone euro;
CONCLUSION : L’interconnexion des différents réseaux mondiaux d’échange et l’interdépendance des espaces régionaux sont l’expression de l’organisation du monde en un système. Celui-ci est polarisé par la triade qui commande des périphéries multiformes peu ou prou intégrées aux grands courants d’échange. Cette polarisation s’effectue par le biais des « cœurs géographiques », principaux centres de décisions du système monde.
Toutefois, une interdépendance s’instaure entre les différents pays du Nord et du Sud dans de nombreux domaines (économique, social, politique, financier, etc.). Ce qui n’a pas manqué de générer un état d’inégalité des partenaires, de concurrence, de domination, d’exploitation et de crises de nature variée.